La grippe Porcine au Mexique
( voir cet article très intéressant du journal espagnol El Paìs, qui donne une bonne idée de la situation sanitaire mexicaine, en ces jours sombres de "grippe A"...link)
Certains se demandent peut être ce que nous devenons ici au Mexique, pendant cette épidémie de grippe.
Après avoir diabolisé les vaches et la volaille, c’est au tour du cochon d’être le mouton noir de l’industrie alimentaire. La faute aux hommes certainement, si ce simple virus de grippe animal s’est génétiquement muté pour être transmissible à l’homme, puis entre les hommes. Bref, de considération éthiques il n’est pas question au Mexique, « foyer de l’épidémie ». On essaie juste de faire en sorte que ce satané virus ne se propage pas plus en faisant croire dans les journaux télévisés qu’il vient d’Asie (ils ont bon dos ces Chinois…)
Les mesures prises sont à la hauteur de la peur retransmise à la télé par des images choc et violentes, passées en boucle : depuis lundi, toutes les écoles du pays sans exception sont fermées, les messes se font à huit-clos, les matchs de foot aussi et les regroupements de personnes sont fortement déconseillés. A Mexico, des médecins observent la gorge des clients avant de les autoriser à rentrer dans les restaurants, des caméras thermiques sont installées dans les lieux publics, c'est la parano générale.
Les gens se ruent dans les pharmacies pour acheter des masques et des gants. J’ai moi-même dû lutter pour en avoir deux, la pharmacienne de la Croix Rouge ( !) me faisant croire que le stock était épuisé, jusqu’à ce que son collègue (une bonne âme) aille chercher dans la remise au moins 10 paquets pleins et qu’elle consente à m’en donner. On ne sait jamais, des fois que les 2 masques que je lui arrache auraient pu servir à sauver des vies mexicaines…
Donc je me retrouve depuis lundi au chômage technique jusqu’au 6 mai, sans pouvoir voyager dans le pays, parce que les déplacements en bus sont déconseillés. Le temps d’observer la vie quotidienne de Huatulco. Ici, c’est un peu comme si de rien n’était. Certes, les commerces ont l’air un peu plus vide que d’habitude, mais on remarque aussi une nette augmentation des touristes mexicains. Quelle aubaine ce virus ! Des vacances payées, en pleine semaine, hors saison ! Comme ça on partage allègrement nos microbes avec les villages plus isolés, c’est ça la solidarité.
Rien ne vient perturber le rythme nonchalant des huatulquéniens en pleine action. Ils continuent de marcher lentement dans les rues, de faire la sieste sur le trottoir ou les bancs publics, de vendre leurs petits poulets en bois aux passants. Seule différence vraiment notoire pour nous : la piscine de la résidence, habituellement pleine d’enfants piaillant, de femmes tout habillées et d’hommes fumant et buvant des bières, cette piscine si bruyante et animée est désespérément vide depuis 3 jours.
L’info passe et repasse. A la fac, ma boite mail était inondée de courriels d’avertissements du personnel administratif, scandant les règles élémentaires d’hygiène (lavez-vous les mains avec du savon anti-bactériologique, n’embrassez personne, ne serrez pas les mains des gens, sortez avec un masque, évitez les groupes, lavez vos fruits, légumes, vaisselle, ne buvez pas l’eau du robinet…) Hygiène, hygiène, hygiène. Des trucs banals finalement, des trucs qu’on fait au quotidien, rien de bien extraordinaire.
L’ironie de la situation, le côté tragico-burlesque, c’est de se faire apprendre les règles d’hygiène de base dans un pays où l’immense majorité des habitants a déjà été victime d’infection intestinale sévère pour aliments mal lavés ou mal conservés, un pays où les enfants des villages les plus pauvres meurent encore de varicelle ou de maladies infantiles qui n’existent plus depuis longtemps en Europe, un pays où dans les salles de consultation de l’hôpital publique, des cotons imbibés de sang et des seringues usagées trainent par terre et où il n’y a même pas de papier hygiénique ni de savon dans les toilettes, un pays enfin d’où fuient tous les cerveaux (médecine, recherche) vers les Etats Unis, faute de moyen. Espérons que ce virus leur ouvrira les yeux, parce qu’il est vraiment honteux qu’un pays aussi riche que le Mexique ait un système de santé aussi déplorable.
En attendant, nous on est coincés là. Les vols vers le Mexique sont réduits au strict minimum, voire annulés et nos visiteurs du mois de Mai, contraints à rester chez eux. Quant à nous on se la joue Maya sous le ventilo, on attend nonchalamment l’Apocalypse, prévue pour 2012.