La Quinceañera
15 ans. Une étape des plus importantes dans la vie d’une mexicaine. Le quinzième anniversaire est traditionnellement fêté ici au Mexique comme le passage de l’enfance à l’âge adulte. Un rite initiatique, en quelque sorte, pour préparer la jeune fille à son mariage imminent.
Bon… ça, c’est la théorie. Aujourd’hui les filles ne se marient plus à 15 ans avec des hommes choisis par leurs parents. Néanmoins, on célèbre toujours la quinceañera avec application et respect des traditions.
Que ce jour soit le plus beau de sa vie, Zatzil Pamela le voulait, ses parents l’ont fait. Deux fêtes, deux ambiances. Le samedi soir, après la messe, les amis de la famille et de notre jeune fille au prénom de fleur maya se réunissent dans la salle des fêtes du centre de Oaxaca.
D’ambiance conviviale, point du tout, c’est plutôt guindé et les tenues vestimentaires oscillent entre le super kitch et le mégastrass, mais ça semble être le top de l’élégance pour ces familles aisées. Un groupe chante des chansons pop internationales, Lady Gaga sévit aussi au fin fond de la campagne oaxaquénienne.
Les tables rondes décorées et fleuris sont disposées de telle manière qu’elles laissent un espace pour danser au milieu. Un animateur commente les moindres faits et gestes des parents, dont il précise à chaque fois leur titre universitaire ou leur profession : « el arquitecto Marco Antonio y la licenciada Sonia !! » avec une voix de Monsieur Royal.
Mais où est la princesse de la soirée ? Elle se fait attendre, c’est parce qu’elle ménage son effet. Soudain les lumières se tamisent, les voix se taisent, les yeux se tournent vers la scène où 5 damoiseaux en tenues de valets se sont placés avec grâce. Et Pamela surgit de la pénombre, un masque vénitien lui cachant le visage, des plumes dans les cheveux et une robe à faire pâlir d’envie la tête de Marie-Antoinette. Il ne serait pas déplacé de croire que tous ces jeunes gens vont se mettre à danser la valse… et non ! Sur un mix de musiques assez modernes, entre la disco, la danse et la soul, notre reine se trémousse, se fait porter, virevolte d’un garçon à l’autre, avec des moues copiées aux clips de Britney et des ondulations de bras shéerazadiennes. Les pas sont précis, des heures d’entrainements certainement, avec une prof de danse. Le spectacle se déroule sous l’œil malveillant des petites amies des garçons, qui doivent se dire que « ouais, la robe est pas mal, mais j’aime pas trop la couleur, et c’est vrai qu’elle aurait pu faire un p’tit effort de coiffure passqu’à faire autant de tours ses cheveux vont se déboucler, enfin elle aura pas mon mec, ça c’est sûr » …………………. Aaah les filles…
Cette entrée en matière n’est que l’introduction d’une suite de spectacles de danses, dont la protagoniste est Pamela, qui terminent tous par l’explosion d’éclatants feux d’artifices, changement de tenue rapide entre chaque chorégraphie, un stress qui provoque une hystérie vite apaisée par la trombe d’applaudissement des spectateurs conquis.
Après un show plébiscité, on trinque. Tout le monde se lève pour boire un verre à la santé de Zatzil Pamela, de son père (l’architecte…), de sa mère (la licenciada), de son parrain (qui avait certainement une profession lui aussi, mais que je n’ai pas retenue malheureusement), et d’autres personnes.
Et vient le moment solennel pour Pam de dire adieu à sa vie de petite fille et d’entrer dans sa vie de femme accomplie et responsable.
Du haut de ses 15 ans et de ses 25 cm de talons, elle reçoit des mains d’une vraie petite fille sa dernière poupée, symbole de l’enfance qui s’en va. Puis des mains de son petit frère, un énorme bouquet de fleurs, cadeau de son arrivée dans le monde des adultes, le tout sous les yeux larmoyants de sa mère.
La remise des cadeaux durera 20 minutes au moins, et la question est de savoir : comment va-t-on transporter toutes ces choses ?
Le dîner se passe en écoutant le groupe jouer des airs mexicains et de rock, pour faire plaisir au papa. Et puis le grand moment arrive, après le dessert, c’est le bal ! Le groupe est congédié, et la musique « de djeuns » peut commencer, à fond les ballons.
Tous les adultes en devenir, et enfants en attente se rejoignent au milieu et, sur des airs de techno commerciale, dansent en rond, en ligne, en carré, au milieu, seuls ou à deux, bras levés, bouches ouvertes, les filles perchées sur leurs escarpins, les garçons engoncés dans leurs costumes, c’est un défilé de froufrous, de fleurs dans les cheveux, de robes satinées, de paillettes. C’est assez déstabilisant d’ailleurs de voir tous ces jeunes déguisés comme à la cour du Roi, se déhancher en toute innocence sur une chanson qui dit « t’as une grande bouche, vas-y, amuse-toi »… Pas si ingénue que ça, la quinceañera, je suis d’avis qu’elle a dit au revoir depuis très longtemps déjà à ses poupées barbie et qu’elle n’a pas l’intention de se mettre tout de suite en quête du prince charmant avec qui elle se mariera et aura beaucoup d’enfants…
Ca s’appelle l’adolescence, cet âge compliqué…
Le lendemain de cette fête, les gens étaient invités au recalentado, un autre repas, une autre fête, pour terminer l’alcool et les plats de la veille. Cette fois-ci, chez les parents. Le meilleur groupe de Oaxaca joue des airs mexicains.
Plus familiale, l’ambiance est à la tradition. Zatzil Pamela, comme sa mère et la plupart des femmes invitées est habillée du célèbre huipil et de la jupe brodée, costume typique de la région de l’isthme. Les gens dansent avec bonheur les pas traditionnels, la bière coule à flot tout l’après-midi, le mezcal vient réchauffer les gosiers.
Le clou du spectacle est la quema del torito, ce petit taureau en ferraille, support à des dizaines de pétards, que les personnes portent sur leur dos en dansant jusqu’à ce que tous les pétards aient explosé en trainées de lumière de toutes les couleurs.
Zatzil semble ravie de ces deux jours de fête si différents en son honneur, nous on est bien contents d’avoir été invités à une célébration si importante. Un souvenir impérissable pour elle comme pour nous…