Puebla
Il est des villes impénétrables, des villes hermétiques, dont la beauté flagrante empêche de les connaître plus en profondeur. Des villes dont on dirait que les bâtiments historiques, propres et bien indiqués, se suffisent pour créer le décor d’un film hollywoodien dont le tournage dure toute l’année.
Puebla est une de ces villes. Nichée à 2000 mètres d’altitude, à 3 heures de la capitale, elle est un peu une ville-musée.
Les carrelages qui ornent ses murs feraient verdir de jalousie des azulejos de Lisbonne.
Ses édifices sont bien conservés, ses rues sont propres.
Ses églises, à chaque coin de rue, ont chacune un style différent, une histoire particulière. Puebla, créée en 1531 comme étape entre le port de Veracruz et la ville de Mexico, est la plus espagnole des villes mexicaines.
La dévotion (feinte ou sincère, impossible de savoir) y est palpable.
Comme toutes les villes coloniales, le Zocalo carré occupe la place centrale.
Autour, les rues se croisent perpendiculairement. Un damier géant.
Dans chaque case, des bâtiments colorés, des églises. Quelques places plus petites accueillent des marchés. Pas vraiment des marchés d’artisanat indigène ou d’artistes en dreadlocks et pantalons troués. Non, plutôt des foires aux livres, des antiquaires, artisanat de la région.
Même le quartier des artistes est figé dans cette tranquillité propre aux choses ordonnées avec soin.
Comme si la rigueur du catholicisme espagnol avait dompté le joyeux bordel mexicain.
En s’éloignant du centre, on retrouve un peu de cette folie douce qui fait défaut dans les rues adjacentes au Zocalo. Des voitures qui roulent vite et n’importe comment.
Un joli marché qui mêle sans logique apparente fleurs, déguisements, objets de culte, bijoux fantaisie.
Le quartier des Mariachis, où règne fausse nonchalance et vraie élégance...
Un marché gastronomique où on se fait harceler par au moins 20 personnes de tous âges et de toutes tailles à peine la porte passée.
Puebla, ville dévote, ville culturelle aussi. Très ouverte sur le monde, sur l’Europe, elle recèle comme un trésor la plus grande bibliothèque de livres anciens d’Amérique. Un joyau qui enferme en son sein plus de 50000 tomes, qui datent parfois du XIVème siècle.
A Puebla, pour la semaine Sainte, on marche toute la journée. Pour faire le tour des édifices riches en anecdotes ; pour visiter une église dont la façade nous attire l’attention ; pour chercher un resto où goûter les spécialités du coin (cemitas, mole poblano, chile en nogado…) ; pour suivre les processions enfin.
Et oui, le vendredi Saint, le jour où Jésus a été crucifié, les fidèles refont avec ferveur la marche forcée sur le Chemin du Calvaire.
Toutes les paroisses se réunissent dans le centre, apportant chacune une grande statue du Christ ou de la Vierge, et démarrent pour une longue procession autour de la ville, interrompue de messes.
Là encore, Puebla est toute en mesure. Ici, pas d’auto flagellation ni de porteurs de troncs pleins d’épines, pas de sang ni de chaînes, pas de larmes ni ce silence impressionnant qui caractérisent les processions de Taxco, par exemple. (voir article du blog : Cuernavaca – Taxco – Huatulco, Semaine Sainte en famille).
Non, à Puebla on marche, on chante, on prie, les enfants sont habillés en Anges, la foule se mêle à la procession.
Une célébration plus humaine, peut-être plus accessible.
Le lendemain, c’est sous un ciel gris que nous partons visiter le joli village de Cholula.
Dominé par le majestueux Popocatepetl, deuxième plus haut volcan du pays, interdit au public car il est entré en éruption en 1996, Cholula offre au visiteur une pyramide aztèque dont Cortez ne s’est pas vraiment soucié quand il a fait construire à sa cime une église toute jaune.
L’église est jolie, certes, mais le plus beau est sans doute la vue sur le volcan et le village.
A Cholula, on retrouve l’ambiance désordonnée et bordélique typiquement mexicaine. Les stands de nourriture (le camote, sorte de pate de patate douce aromatisée aux fruits, écœurante, fait fureur),
les hangars pleins d’artisanat de toutes sortes, les magasins de cuir, chapeux, sacs, vêtements brodés…
Coloré, vivant, joyeux, Cholula nous enchante. On y fait des achats, on y prend des photos, on y mange comme si n avait faim.
Le soleil couchant nous rappelle que demain il faut lever le camp, que nous allons voler vers la chaleur moite des plages huatulqueniennes.
Le bus crachotant nous bringuebale jusqu’à Puebla.
Une dernière ballade dans les rues rafraichies par la nuit avant de fermer cette douce parenthèse poblana.